Mashhad

Au Cœur de la Sainte Machine à Sous d’Iran

Mashhad, Iran – Le sanctuaire de l’Imam Reza est un défilé somptueux de mosquées, de minarets et de cours de marbre. Il est plus vaste que la cité du Vatican et attire plus de pèlerins que La Mecque, ville natale du Prophète.

Chaque année, plus de 12 millions d’Iraniens, d’Irakiens et d’autres chiites voyagent vers le sanctuaire du Nord de l’Iran pour rendre hommage à l’Imam Reza, un martyr vénéré du IXe siècle. Tous viennent pour prier devant sa tombe – et beaucoup pour remplir le mausolée de billets de banque.

Depuis des siècles, le sanctuaire a entremêlé la foi et l’argent, en collectant des dons, des terres, des bijoux et des œuvres d’art du dévot. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement le site religieux le plus sacré d’Iran, mais c’est aussi, le plus grande empire commercial de la République Islamique.

Parmi ses investissements, on compte la fabrication de bus urbains en passant par la vente de pizzas strudels et la fabrication d’hormones de croissance pour la production de caviar d’esturgeon. En même temps, il dirige un centre d’études islamiques et détient une immense collection de livres. Dans le sanctuaire, on peut voir un panneau non-fumeur et lire : « Ici, c’est une zone de vols des anges. Ne polluez pas avec la fumée. »

« Nous sommes un conglomérat islamique », affirme Mehdi Azizian, conseiller en entreprise et beau-frère de l’ayatollah Abbas Vaez-Tabassi, le chef du sanctuaire qui a 73 ans. « C’est normal que certains ne comprennent pas tout ce que nous faisons, car c’est immense. »

Le double rôle du sanctuaire de l’imam Reza contribue à expliquer comment le pouvoir de la vieille élite cléricale dure, trois décennies après la Révolution Islamique de 1979. « L’argent c’est le pouvoir, et les Mollahs dominent certains éléments importants de l’économie iranienne. », explique Thierry Coville, un expert français sur l’économie de l’Iran et auteur d’un récent ouvrage sur le pays.

Le sanctuaire de l’imam Reza fait partie d’un groupe de bonyads, des fondations caritatives avec d’énormes exploitations acquises par des générations de dons ou confisquées après la révolution. Ils ne publient pas de comptes et, dans la plupart des cas, ne répondent qu’au chef iranien, l’ayatollah Ali Khamemei.

Le sanctuaire de l’Imam Reza, Astan-e Quds-e Razavii, ou la porte sainte de Reza, possède des mines, des usines de textile, une usine de bus, une usine pharmaceutique, une société d’ingénierie, une boulangerie, une raffinerie de sucre, des fermes de bétail, des élevages de chameaux, des vergers et des dizaines d’autres propriétés. Le sanctuaire possède à lui seul les trois-quarts des terres à Mashhad, la deuxième plus grande ville d’Iran, sans compter les vastes terres qu’il possède dans d’autres États.

Saeed Laylaz, un éminent économiste qui a étudié à Mashhad, compare la situation de l’Iran à celle de l’Europe médiévale, où la richesse de l’Église catholique et sa prétention à parler au nom de Dieu a permis aux Papes et aux cardinaux de rivaliser et souvent d’éclipser les rois. « La religion et l’économie sont de pairs partout », dit M. laylaz. « Sans argent, les clercs  seraient de simples mystiques », affirme-t’il.

Ce n’est pas seulement la richesse qui fait la puissance du sanctuaire mais aussi son indépendance face au contrôle du gouvernement. Il n’est pas non plus contrôlé par le pouvoir parlementaire et les auditeurs gouvernementaux n’ont pas le pouvoir de vérifier ses livres de comptes. Le chef du sanctuaire, l’Ayatolah Vaez-Tabassi, est l’un des dignitaires religieux les plus influents d’Iran.

Au fil des ans, la bureaucratie d’État iranienne a tenté de faire valoir son autorité sur les Bonyads et les autres centres de pouvoir, souvent sans grand succès. Et M. Azizian explique « l’aspect fondamental est le suivant : personne n’est plus puissant que le sanctuaire de l’Imam Reza. » Les dirigeants politiques vont et viennent, mais tous, y compris M. Ahmadinejad, sont « les serviteurs de l’Imam Reza et… doivent obéir à l’Imam ».

 

 


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