Le Coran est une des sources écrites de la Science des imâms. Ceux-ci répètent inlassablement que toute leur doctrine, tous leurs enseignements et chacun de leurs propos sont fondés sur le texte coranique 1 ; Ja'far va jusqu'à déclarer : « ... Tout hadith en contradiction avec le Coran, n'est qu'un beau mensonge 2 » .L'Imam, maître par excellence de l'herméneutique spirituelle, interprète de l'ésotérique de la Révélation, est appelé « le Coran Parlant » (al-qur'ân al-nâtiq), alors que le Coran, texte hermétique, est dit « le Guide Silencieux » (al-imâm al-sâmit). Or, une grande partie des données doctrinales de l'imâmisme ancien voire leur quasi-totalité, - des développements cosmogoniques aux données eschatologiques en passant par toute la conception de l'Imâm - peuvent difficilement trouver des fondements dans le Coran, ou tout au moins dans le texte dont nous disposons actuellement.
Même les herméneutiques spirituelles (ta'wîlât) des imâms, somme toute assez peu nombreuses, restent loin de pouvoir justifier le nombre impressionnant des « écarts » par rapport au Texte révélé ; à moins que l'on considère avec eux que la totalité de la doctrine est l'herméneutique ésotérique du Coran, mais les « clefs » de cette herméneutique ne sont pas présentées, ni la démarche expliquée.
Ja'far déclare encore : « Je suis engendré par l'Envoyé de Dieu (qad waladani rasûl Allâh - i.e. « je suis un descendant du Prophète » ) et je connais le Livre de Dieu [« j'ai le 'ilm, la Science initiatique, du Coran »] : il contient [le récit] de l'origine de la création ainsi que tout ce qui arrivera jusqu'au Jour de la Résurrection; il contient le récit des événements du ciel et de la terre, ceux du Paradis et de l'Enfer, ceux du passé et de l'avenir et je connais tout cela aussi clairement que si je [les] voyais [dans] la paume de ma main ! 3 »
On devine ce que peut entendre un imâm par ces formules : l'émanation de la Lumière originelle et la formation des entités lumineuses préexistentielles des Impeccables, la formation des « ombres » d'autres créatures, les événements des mondes préexistentiels de « la Mère du Livre », du « Pacte » ou du « Second Monde des Particules », le récit des vies des prophètes et imâms antérieurs et leurs combats contre leurs adversaires ; l'identité et la destinée des fidèles initiés des imâms, c'est-à-dire les gens du Paradis, et celles de leurs adversaires, les partisans des « guides des ténèbres », les contre-initiés, c'est-à-dire les gens de l'Enfer ; et enfin les événements de l'avenir, c'est-à dire essentiellement ceux liés à la présence occulte et au Retour final du Mahdî.
Or, le texte coranique connu est loin de contenir tout cela. Y en aurait-il eu une autre version connue des imâms seuls ?
En mai 1842, Garcin de Tassy publie pour la première fois en Occident, dans le Journal Asiatique, le texte et la traduction d'un « chapitre inconnu du Coran 4.» Il s'agit de la sourate « des deux Lumières » (sûrat al-nûrayn), c'est-à-dire les Lumières spirituelles de Muhammad et de 'Alî, explicitement cités.
Bien entendu, cette « sourate » ne figure pas dans la Vulgate coranique. Le texte est tiré d'un ouvrage persan du XVIIe siècle, le Dabestân-e madhâhib, écrit par un zoroastrien d'origine iranienne et vivant en Inde 5. Une année plus tard, en décembre 1843, dans le même Journal Asiatique, Mirza Alexandre Kazem-Beg, en s'appuyant sur un autre manuscrit, établit le texte d'une façon beaucoup plus satisfaisante, en le vocalisant et le divisant en 43 versets et en en donnant une traduction plus précise que celle de Garcin de Tassy ; mais curieusement, Kazem-Beg demeure muet sur les manuscrits qu'il détenait 6. En juillet 1913, St Clair Tisdall, dans un article paru dans The Moslem World 7, reproduit le texte d'une autre sourate inconnue du Coran, la sûrat al-walâya. L'auteur dit avoir découvert le texte dans un manuscrit du Coran, datant du XVIe ou XVIIe siècle, à Bankipore en Inde. À part le texte intégral de cette sourate; divisée en sept versets, le manuscrit contient également la sourate « des deux Lumières » précédemment citée, ainsi que 37 versets qui sont censés appartenir aux différentes Sourates du Coran mais qui ne figurent pas dans la recension officielle.
Comme dans le cas de la sourate des « deux Lumières », la sourate de la walâya cite également d'une manière explicite 'Ali et le présente comme étant l'Ami (walî) par excellence de Dieu et l'Héritier spirituel du Prophète. Ces publications incitèrent quelques érudits chercheurs à étudier le problème de la conception imârnite du texte coranique : dans quelle mesure, selon les imâmites, le texte de la Vulgate coranique officielle, constituée sous le califat du troisième calife 'Uthmân b. 'Affân (24-35/644-656), est-il fidèle à la Révélation originelle faite à Muhammad ?
La question est extrêmement grave car, comme on le sait, tout le système dogmatique de l'Islam et toute la conscience religieuse musulmane se sont cristallisés autour de ce noyau central sacré qu'est le Coran dans sa recension officielle ; la croyance en l'intégrité et la fidélité de cette version par rapport à la Révélation divine faite au Prophète constitue un des articles de foi les plus inaliénables de l'Islam.
Il me semble fastidieux d'entrer dans les détails et les polémiques érudites des études consacrées au problème, mais on pourrait dire que globalement, celles-ci ont abouti à trois sortes de conclusions :
a) la mise en doute de l'intégrité de la Vulgate coranique par les imâmites n'a aucun fondement historique, mais s'inspire seulement de vues dogmatiques et politiques. Une fois 'Ali écarté du pouvoir, il était naturel que ses partisans déclarent sa recension comme étant la plus complète, afin de démontrer sa supériorité par rapport aux autres Compagnons du Prophète 8 ;
Cette thèse a le défaut de réduire l'imâmisme à un mouvement en quête de pouvoir temporel; en outre, elle ne s'appuie nullement sur les informations fournies par le corpus imâmite. La problématique, à mon sens, s'apprête difficilement à une étude historique étant donné l'état fragmentaire des textes et le devoir cultuel de la garde du secret (taqiyya, kitmân) imâmite ; par contre, il est possible et plus prudent de l'examiner selon un point de vue phénoménologique et estimer sa portée religieuse et ésotérique.
b) Les critiques imâmites à l'égard de la Vulgate coranique ne visent pas son intégrité ou l'authenticité de son contenu, mais seulement l'omission de quelques mots ou expressions ainsi que le renversement de l'ordre des versets et des sourates; la Vulgate, selon les imâmites, contient donc la totalité de la Révélation et le « crime » de 'Uthmân était surtout d'avoir rejeté les commentaires de 'Alî, commentaires figurant en marge de sa propre copie et indispensables pour une pleine intelligence du Texte sacré 9.
Cette conclusion reflète typiquement la confusion entre les idées des grands théologiens imâmites et les enseignements des imâms mêmes, confusion fatale pour toute compréhension de l'imâmisme originel et à laquelle j'ai déjà fait allusion à plusieurs reprises. Comme on le verra par la suite, Ibn Bâbûye semble être le premier à soutenir cette thèse, d'ailleurs en contradiction avec les dits des imâms.
c) Les imâms ont sérieusement mis en doute l'intégrité de la Vulgate 'uthmânienne ;
Cette thèse est effectivement corroborée par les données du corpus ancien des imâms, mais les savants qui l'ont soutenue, probablement faute d'avoir dépouillé systématiquement les textes de base, n'ont pu ni apporter toutes les informations concernant le Coran intégral des imâms, ni examiner les implications dogmatiques du sujet. Ma contribution s'inscrit donc dans la ligne de cette dernière catégorie d'études et tente modestement de les compléter. Elle comblera, je l'espère, en même temps, les lacunes d'ordre méthodologique des études appartenant aux deux autres catégories.
La question de base revient donc à ceci : de quel Coran s'agit-il dans le corpus ancien des imâms ? On rencontre à travers ce corpus, différentes indications selon lesquelles le Coran dont parlent les imâms n'est pas le Texte connu de tous ; ces indications sont de deux sortes :
1. les indications directes : on sait que la Vulgate coranique, constituée sous le règne du troisième calife, était essentiellement basée sur la recension d'une commission présidée par Zayd b. Thâbit et qu'elle a mis du temps pour être reconnue universellement ; on sait également qu'il y avait d'autres recensions : celle de 'Abd Allâh b. Mas'ûd, d' Ubayy b. Ka'b et d'autres et aussi celle de 'Alî b. Abî Tâlib.
Alors que les différences entre ces copies se réduisaient apparemment à quelques variantes plus ou moins minimes, le cas de la recension de 'Ali était, selon les imâms, totalement différent puisque cette version était d'abord la seule absolument fidèle à la Révélation, étant donné le rapport privilégié qui liait le Prophète à 'Ali et qu'ensuite elle était près de trois fois plus longue que la version officialisée.
« Personne ne peut prétendre avoir rassemblé la totalité du Coran tel qu'il fut révélé par Dieu à moins qu'il s'agisse d'un menteur. Seul 'Ali b. Abi Tâlib et à sa suite les imâms ont rassemblé et conservé le Coran tel que le révéla Dieu le Très-Haut 10. »
« Personne, mis à part les Légataires (les imâms), ne peut prétendre avoir à sa disposition la totalité du Coran aussi bien dans son aspect exotérique qu'ésotérique. 11 »
« Le Coran qu'apporta l'ange Gabriel à Muhammad est de 17000 versets. 12»
Selon les chiffrages classiques, le nombre des versets du Coran varie entre 6000 et 7000 ; le Coran intégral originel, transmis par le Prophète à 'Alî et par lui aux autres imâms, est donc près de trois fois plus volumineux que la recension officielle.
Selon une tradition remontant à Ja'far 13 : « ... Lorsque'Alî termina de copier le Livre, il le montra aux gens et leur dit : « Voici le Livre de Dieu - qu'Il soit glorifié et exalté - tel qu'Il le révéla à Muhammad et que j'ai rassemblé à partir de deux tablettes. » Les gens lui répondirent alors : « Nous possédons déjà une version complète du Coran et nous n'avons pas besoin [de ta version]. » 'Alî leur rétorqua alors : « Par Dieu, à partir d'aujourd'hui vous ne la verrez point ; j'avais seulement la mission de vous informer que vous aviez le devoir de lire ce que j'ai rassemblé. »
Un vieux document datant du VI/VII siècle et provenant de la bibliothèque du sanctuaire de 'Alî à Najaf, apporte d'autres précisions sur cet épisode ; le texte est reproduit par al-Majlisî dans ses Bihâr al-anwâr (XIII/146-47). Le document est en fait le récit du voyage d'un certain shaykh imâmite appelé 'Alî b. Fâdil al-Mâzandarânî au « Pays » de l'imâm caché. H. Corbin le cite dans son "En Islam iranien" (IV/346-347) ; je m'appuie, en la résumant, sur sa belle traduction.
À un moment donné, le héros du récit demande à son maître en sciences coraniques, le shaykh Zayn al-Dîn 'Alî al-Maghribî : « Ô maître, je constate que certains des versets du Coran n'ont aucun lien ni avec ce qui les précède ni avec ce qui les suit. Ma défaillante intelligence est incapable d'en connaître la raison. » Le maître lui répond : « En effet il en est bien ainsi. La raison en est que lorsque le Prophète fut transféré de ce séjour périssable au Séjour permanent et que les deux qurayshites (i. e. les deux premiers califes, Abû Bakr et 'Umar) eurent commis ce qu'ils commirent en s'emparant de vive force du califat exotérique public, le Prince des croyants ('Alî) rassembla la totalité du Coran (jami' al-Qur'ân) dans une enveloppe de cuir et la leur apporta, pendant que les gens de Quraysh étaient rassemblés à la mosquée. 'Alî leur dit alors : « Ceci est le Livre de Dieu que le Prophète Envoyé de Dieu m'a ordonné de vous présenter afin qu'au Jour de la Résurrection se dresse devant Dieu un témoin sur vous. » Mais le Pharaon et le Nemrod de cette Communauté (i. e.'Umar) lui répondit « Nous n'avons pas besoin de ton Coran », L'imâm de dire alors : « L'Envoyé de Dieu qui était mon ami très cher, m'avait prédit que tu me répondrais ainsi, mais en agissant de la sorte, j'ai cherché à faire éclater un témoignage contre toi » et il se retira chez lui en disant : « Point de dieu hormis Toi, Toi seul. Tu n'as pas d'associé. Il n'est personne qui puisse repousser ce qui est déjà contenu dans Ta Connaissance, ni qui puisse s'opposer à ce qu'exige Ta Sagesse. Sois donc Toi, mon Témoin contre eux, le Jour de la Résurrection. » Là-dessus, Ibn Abî Qahâfa convoqua les musulmans (muslimin, les musulmans exotéristes « sunnites », à la différence des mu'minin, les croyants ésotéristes des imâms) et leur dit : « Que quiconque possède chez lui un verset ou une sourate du Coran, l'apporte ici. » Alors vinrent Abu 'Ubayd Allâh, 'Uthmân, Mu'âwiya.... chacun apportant un verset ou une sourate et ils en constituèrent ce Coran. Mais ils rejetèrent tout ce qui aurait porté atteinte à leurs intérêts ou aurait prouvé leurs mauvaises actions depuis la mort du Prophète. Voilà pourquoi les versets sont sans lien les uns avec les autres. Mais le Coran que le Prince des croyants avait recueilli de sa propre écriture, celui-là est conservé chez le Seigneur de la Cause (Sahib al-amr, c'est-à-dire l'imâm caché). Il contient tout, absolument tout. »
Le Coran intégral passait donc secrètement d'un imâm à l'autre jusqu'à ce qu'il fût emporté par l'imâm caché dans son occultation. C'est celui-ci et seulement lui qui le ramènera lors de son Retour à la Fin de notre Temps et le fera connaître de tous : « Lorsque notre Résurrecteur se soulèvera, il récitera le Livre de Dieu - qu'Il soit glorifié et exalté - comme il se doit et il dévoilera le Volume mis par écrit par 'Ali 14.»
D'autres descriptions de ce Coran intégral sont données par les imâms ; « Husayn b. Khâlid demanda à Ja'far : « En combien de « parties » (juz') dois-je faire une lecture complète du Coran ? » Ja'far répondit : « Lis-le en cinq ou bien en sept « parties », cependant j'ai en ma possession un Volume sacré divisé en quatorze « parties » (i. e. « on ne peut le terminer qu'en 14 parties ») » 15.
Ahmad b. Md b. Abî Nasr raconte : « [L'imâm] Abû'l-Hasan (i. e. le huitième imâm 'Ali al-Ridâ) me prêta un Volume du Coran tout en me demandant de ne pas regarder à l'intérieur. Je l'ai cependant ouvert et je suis tombé sur le verset : « Ceux qui se sont rendus impies... (Lam yakun alladhina kafarû) » et j'ai vu au sein du verset les noms de 70 hommes de la tribu de Quraysh ainsi que les noms de leurs pères. L'imâm envoya alors quelqu'un me dire de lui restituer le Volume 16.»
La référence coranique est délibérément imprécise, puisque la formule y est utilisée plus d'une trentaine de fois, mais elle est cependant suffisamment explicite pour condamner les qurayshites d'impiété. Par ailleurs les imâms déclarent que le Coran est divisé en quatre parties : une première consacrée aux Impeccables, une seconde à leurs ennemis, une troisième aux dits et paraboles et enfin une quatrième aux devoirs canoniques et préceptes cultuels 17.
Parmi les indications directes, sont également à classer certaines citations coraniques des imâms, citations différentes des passages du Coran que l'on connaît. Je me bornerai à quelques exemples flagrants. Les différences ou les ajouts par rapport au texte de la Vulgate 'uthmânienne sont en italique :
Q. II, al-baqara/102 : « Et ils approuvèrent, par fidélité envers les démons, ce que ceux-ci leur racontaient touchant le règne de Salomon 18. »
Q. II, al-baqara/205 : « Dès qu'il tourne le dos, il s'efforce de corrompre ce qui se trouve sur la terre, il détruit la récolte et le bétail par son injustice et sa méchanceté, Dieu n'aime pas la corruption » 19.
Q. II, al-baqara/211 : « Interroge les Fils d'Israël : combien leur avons-Nous présenté de preuves irréfutables, certains d'entre eux y ajoutèrent foi, certains d'autres les renièrent, certains les reconnurent, d'autres les déformèrent, mais pour celui qui déforme le bienfait de Dieu après l'avoir reçu, Dieu prépare un terrible châtiment. » 20
Q. II, al-baqara/255 : « Il Lui appartient tout ce qui est dans les cieux et sur la terre, et tout ce qui est entre les cieux et la terre ou sous la terre, le Monde Invisible et le monde visible ; Il est Clément et Miséricordieux; qui pourra intercéder auprès de Lui sans Sa permission ? 21. »
Q. III, ÂI 'Imrân/103: « Vous étiez au bord d'un abîme de feu et Il vous a sauvés grâce à Muhammad. » 22
Q. IV, al-nisâ'/63 : « Ceux-là, Dieu connaît ce qu'il y a dans leur coeur, écarte-toi d'eux car le Verbe du Malheur leur est destiné ainsi que le tourment, [ici manque « exhorte-les »] ; adresse-leur des paroles convaincantes qui s'appliquent à leur propre cas 23. »
Q. IV, al-nisâ'/65-66 : « Ils ne trouveront pas ensuite en eux mêmes la possibilité d'échapper à ce que tu auras décidé au sujet de la cause de l'Ami divin (i. e. l'imâm) et ils se soumettront à Dieu pour obéir d'une manière totale/ Si Nous leur avions prescrit : « Faites-vous tuer et soumettez-vous totalement à l'imâm » ou bien « quittez vos maisons pour lui », ils ne l'auraient pas fait à l'exception d'un petit nombre. Si ceux qui s'opposent (au lieu de: s'ils) suivaient les exhortations reçues, il aurait été vraiment meilleur pour eux et plus efficace pour leur affermissement 24. »
Q. IX, al-tawba/40 : « Dieu a fait descendre sur Son Prophète (au lieu de : sur lui) Sa « Sakîna » et l'a soutenu avec des Armées invisibles 25. »
Q. IX, al-tawba/l28 : « Un Prophète, pris parmi nous (au lieu de: vous) est venu à nous (au lieu de : vous) ; le mal qui nous (au lieu de: vous) accable lui pèse; il désire ardemment notre (au lieu de: votre) bien ; il est bon et miséricordieux envers les croyants 26. »
Q. XX, TâHâ/115 : « Et Nous avons autrefois fait une recommandation à Adam concernant Muhammad, 'Ali, Fâtima, al-Hasan, al-Husayn et les imâms de leur descendance mais Il les oublia 27. »
Q. XXII, al-hajj/52 : « Nous n'avons envoyé avant toi, ni un prophète législateur, ni un prophète non législateur, ni un inspiré par les anges, sans que Satan intervienne dans ses désirs 28.»
Q. XXXIII, al-ahzâb/Zl : « Quiconque obéit à Dieu et à Son Prophète pour ce qui est du saint pouvoir de 'Ali et celui des imâms après lui, celui-là jouit d'un bonheur grandiose. 29 »
Q. XLII, al-shürâ/13 : « Il a établi pour vous, ô Famille de Muhammad, en fait de Religion, ce qu'Il avait prescrit à Noé, et ce que Nous te révélons, ô Muhammad, et ce que Nous avions prescrit à Abraham, à Moïse et à Jésus : « Établissez la Religion de la Famille de Muhammad, ne vous divisez pas à son sujet et soyez unis; combien paraît dur aux associationnistes, ceux qui associent au saint pouvoir de 'Ali d'autres pouvoirs, ce vers quoi tu les appelles en fait du saint pouvoir de 'Ali. Certes Dieu guide, ô Muhammad, vers cette Religion, celui qui se repent, celui qui accepte ton appel vers le saint pouvoir de 'Ali. » (au lieu de : Dieu choisit et appelle à cette Religion qui Il veut; Il guide vers elle celui qui se repent) 30. »
Q. LXX, al-ma'ârij/1-3 : « Un questionneur a réclamé un châtiment inéluctable. Pour ceux qui ne croient pas au saint pouvoir de 'Ali et nul ne peut repousser ce châtiment/ qui vient de Dieu, le Maître des Degrés. 31»
Il y a, à travers les compilations anciennes, d'autres exemples où les différences par rapport à la Vulgate officielle sont moins marquées.
2. Passons maintenant aux indications que l'on pourrait qualifier d'indirectes. À travers le corpus ancien, çà et là et assez rarement il est vrai, les Impeccables abordent la question de la recension officielle du Coran en employant les termes de falsification (tahrîf), d'altération (taghyir) ou de changement (tabdîl) ; dans un long hadith, rapporté par Ja'far qui le tient de « ses pères », les imâms, et en dernière instance du Prophète, celui-ci met en garde sa Communauté : « ... Il vous sera demandé des comptes sur ce que vous avez fait subir aux Deux Objets Précieux (thaqalayn) que je vous laisse, à savoir le Livre de Dieu et ma Famille ; prenez garde, quant au Livre, ne dites pas que nous l'avons altéré et falsifié (ghayyamâ wa harrafnâ) et quant à ma Famille, n'allez pas dire que nous l'avons abandonnée et massacrée » 32.
Dans un de ses prônes, 'Alî déclare : « ... Sachez qu'après moi surviendra un temps où il n'y aura rien de plus caché que la vérité (al-haqq) et rien de plus manifeste que la fausseté (al-batil), rien de plus prolifique que les mensonges attribués à Dieu et à son Envoyé et rien de plus méprisé que le Livre de Dieu... alors que sa composition est falsifiée (idhâ hurrifa 'an mawâdi'ihi)... Ceux qui connaissent le Coran le rejettent et ceux qui le retiennent par coeur, l'oublient. Ils sont dominés par leurs passions et reviennent aux coutumes de leurs ancêtres, par mensonge et tromperie ils entreprennent la falsification du Livre (wa 'amalû bi-tahrif al-kitâb kidhban wa takdhiban) le vendant à un prix vil, indifférents qu'ils sont à son égard. 33 »
On retrouve les mêmes accusations dans les lettres confidentielles de certains imâms à leurs disciples intimes, lettres reproduites par al-Kulaynî dans sa Rawda 34 : « Dieu enlève la Science du Livre, écrit al-Bâqir, à toute Communauté qui rejette son Livre et Il la fait dominer par ses propres ennemis... Rejeter le Livre c'est quand les gens établissent de leur propre chef ses mots et falsifient ses divisions... et altèrent ainsi les piliers (litt. « les anses ») de la religion... Sache reconnaître ceux qui ressemblent [dans cette Communauté] aux religieux juifs et chrétiens, eux qui cachèrent leur [vrai] Livre et le falsifièrent, oui sache reconnaître leurs semblables au sein de cette Communauté, ceux qui établirent de leur propre chef les mots du Livre et le falsifièrent...» 35.
« Ne cherche pas à embrasser la religion de ceux qui ne sont pas shî'ites [ i.e « les sunnites »], écrit l'imâm Mûsâ, n'aime pas leur religion car ce sont des traîtres qui ont trahi Dieu et Son Prophète Envoyé, qui ont trahi les Dépôts de ces derniers. Sais-tu comment ils trahirent les Dépôts ? Le Livre de Dieu leur était confié et ils l'ont falsifié et changé; leurs [vrais] dirigeants [i.e. 'Alî et les imâms] leur étaient montrés mais ils se détournèrent d'eux. 36 »
Parmi les indications indirectes, on peut également compter les témoignages des hérésiographes classiques. Al-Ash'arî (324/935) divise les shî'ites, selon le point de vue qui nous préoccupe, en trois groupes : ceux qui croient que certaines parties du Texte révélé ont été censurées, ceux qui professent que certaines choses y ont été délibérément ajoutées et enfin ceux qui acceptent l'intégrité de la vulgate officielle. 37
Ibn Hazm (456/1054), quant à lui, ne présente aucune distinction et déclare qu'une des particularités doctrinales de tous les shî'ites c'est le refus de l'intégrité de la vulgate 'uthmânienne ; il ajoute néanmoins qu'al-sharîf al-Murtadâ et deux de ses disciples ne partagent pas cette opinion de leurs coreligionnaires. 38
Al-Isfarâ'inî (471/1078) écrit également que, selon toutes les sectes shî'ites, le texte originel de la Révélation, contenant de nombreuses références à l'imâmat de 'Alî et de ses descendants, a été altéré et censuré par les Compagnons. 39
Dans les lettres auxquelles il a été fait allusion plus haut et dans bon nombre d'autres traditions des imâms, les Compagnons du Prophète et plus particulièrement les deux premiers califes, Abû Bakr et 'Umar, sont présentés comme étant les principaux responsables de la « trahison » envers le Livre divin ; les deux Compagnons sont violemment attaqués parce qu'ils sont bien sûr accusés d'avoir écarté du pouvoir, par ruse et par force, le seul et vrai successeur du Prophète, c'est-à-dire 'Ali, mais aussi et surtout parce qu'ils sont accusés d'avoir rejeté la version coranique de 'Alî et d'avoir altéré, falsifié et censuré, dans leur propre intérêt ainsi que dans celui d'autres hommes puissants de Quraysh, le texte original et intégral de la Révélation 40.
Ainsi, les questions du Coran des imâms, son rejet par les Compagnons et la falsification du Coran original par ceux-ci, semblent jeter une nouvelle lumière sur les contenus et les raisons de certaines notions ou termes techniques imâmites ; d'abord la fameuse notion de sabb al-sahâba (litt. injurier les Compagnons du Prophète) ; les chercheurs ont seulement relevé jusqu'ici les raisons politiques de cette notion : les diatribes violentes des imâms contre les principaux Compagnons ont pour raison le fait que ceux-ci écartèrent 'Ali du pouvoir ; mais la lecture attentive du corpus ancien des imâms montre que la raison religieuse, c'est à dire la falsification et la censure du Coran intégral, est sinon plus importante, du moins aussi essentielle que la raison politique.
Aux yeux des imâms, les principaux Compagnons du Prophète, sont, à cause de cette « trahison », les véritables responsables de la rapide déchéance morale et religieuse de la Communauté musulmane, déchéance survenue dès la mort du Prophète. Les textes rapportés par al-Kulaynî dans sa Rawda nous présentent des imâms affligés par la violence et l'ignorance d'une Communauté qui, au bout de quelques décennies, a complètement oublié les enseignements et les directives de son Prophète et de son Dieu et la faute en incombe incontestablement à ceux qui ont permis la falsification du Message divin et l'ont fait accepter, par force et par ruse, à la majorité des musulmans.
C'est peut-être dans ce contexte qu'il faut placer le propos du Prophète que rapportent plusieurs imâms : « l'Islam était à l'origine méconnu et il redeviendra méconnu; Heureux soient les méconnus 41. »
La notion de sabb al-sahâba est à placer en outre au sein d'une notion plus large, celle d'al-barâ'a ou d'al-tabarrî (litt. « renonciation »). Pour les imâms, la barâ'a (/tabarrî) est le complément indispensable et opposé de la walâya (/tawallî). Si on traduit la walâya (ou le tawallî) par « l'Amour fidèle et docile » envers l'Imâm, la barâ'a (ou le tabarrî) sera « la Haine implacable et farouche » envers l'Ennemi de l'Imâm.
Il faut se rappeler simultanément tout ce que comporte cette opposition « Imâm / Ennemi de l'Imâm » ou « croyants fidèles des imâms / partisans des adversaires des imâms », ainsi que tous les autres couples d'opposés correspondants : les Armées de la Hiéro-intelligence et celle de la contre-puissance de l'Ignorance, le Combat déclenché entre elles dès la création du monde sensible, les Gens de la Droite et ceux de la Gauche, les Gens du Paradis et ceux de l'Enfer, la continuation du combat universel tout au long des cycles de l'histoire sacrée, entre les imâms et leurs fidèles d'un côté et les adversaires des imâms et leurs partisans de l'autre, les Guides de la Justice et les Guides de l'Injustice (a'immat al-'adl/a'immat al-jawr), les Guides du Bien et ceux du Mal (a'immat al khayr / a'immat al-sharr), les Guides de Lumière et ceux des Ténèbres (a'immat al-nûr / a'immat al-zalâm), les Maîtres initiés et leurs disciples opposés aux Contre-initiés et leurs maîtres, les Gens de l'exotérique et l'ésotérique opposés aux Gens de l'exotérique seule, etc...
Selon les imâms, on ne peut pas aimer pleinement l'Imâm et sa Cause si on ne hait pas en même temps son Ennemi qui s'oppose à lui et à sa Cause tout au long de la création ; le « croyant » fidèle des imâms doit vouer Amour et Obéissance à son Maître initiateur aux Sciences divines et Haine et Désobéissance à celui qui s'oppose à cette Initiation. Si le monde est tel qu'il est, envahi par le mal et l'obscurité, et cela ira en empirant jusqu'au Retour triomphal du Mahdî, c'est que les Maîtres de l'Injustice et la masse majoritaire ('âmma) qui les suit y dominent, condamnant les Sages et l'élite minoritaire (khâssa) qui leur est fidèle à l'isolement et la souffrance. Comme on l'a vu, les imâms ont interdit à leurs fidèles de manifester leur Haine ou leur Désobéissance sous forme de révolte et d'insurrection ouverte; la barâ'a doit donc rester intériorisée (tout comme d'ailleurs la walâya, en cas de danger de mort pour celui qui la professe) jusqu'au Retour de l'imâm caché, même si extérieurement il y a contrainte d'obéissance envers les injustes ; c'est une des facettes du Combat qui oppose depuis toujours les initiés aux contre-initiés et le sabb al-sahâba est une manière de l'entretenir.
La question du Coran des imâms et la mise en cause par ceux-ci de la version 'uthmânienne interviennent également dans la notion imâmite de « la garde du secret » (al-taqiyya) ; celle-ci est appliquée bien entendu à un bon nombre des points de la doctrine, mais aussi aux problèmes liés au véritable texte de la Révélation, et cette application de la taqiyya n'a jamais été signalée.
Dans leurs lettres confidentielles aux disciples, les imâms répètent à plusieurs reprises et avec insistance qu'il faut garder secret le problème de la falsification du Coran par les Compagnons. Par ailleurs, ils invitent les disciples à lire le Coran comme tout le monde et à se contenter de la version officielle jusqu'au Retour du Mahdî. Entendant un disciple lire le Coran, probablement selon ses propres indications, Ja'far l'interrompt et lui dit : « Arrête cette lecture et lis comme lisent les gens jusqu'à ce que se lève notre Résurrecteur ; celui-ci lira le Livre de Dieu le Très-Haut comme il se doit et dévoilera le Volume copié par 'Alî. 42»
« Sufyân b. al-Samt dit : « J'ai questionné Abû 'Abd AlIâh (Ja'far) au sujet de la révélation du Coran » ; il me répondit : « Lisez-le comme vous l'avez appris (avant d'avoir connu notre enseignement). 43 »
Résumons les données. Selon les imâms, le Coran originel intégral est près de trois fois plus volumineux que la Vulgate officielle. La Révélation intégrale contient « tout », concernant le passé, le présent ou l'avenir. Seul 'Ali, le seul vrai initié et héritier désigné par Dieu et le Prophète, détenait une copie de ce Coran. Les principaux Compagnons du Prophète et les hommes puissants de la tribu de Quraysh, Abû Bakr et 'Umar en tête, rejetèrent et falsifièrent le Texte original puisque celui-ci contenait un grand nombre de versets qui les dénonçaient ou bien citaient nommément 'Ali et la Famille du Prophète comme des modèles et des chefs de la Communauté. Refusé, le Coran intégral fut caché par 'Ali; il fut transmis secrètement d'imâm à imâm jusqu'au douzième qui l'emmena dans son Occultation. Personne d'autre que lui ne connaît son contenu qui ne sera révélé dans son intégralité que lors du Retour de son détenteur; d'ici là, les musulmans n'ont qu'à se contenter de la version censurée, falsifiée et déformée de la vulgate 'uthmânienne, version due à la traîtrise des Compagnons qui signèrent, par leur orgueil impie, la déchéance de la Communauté dans sa grande majorité.
Ibn Bâbuye al-shaykh al-Sadûq (m. 381/991) semble être le premier grand auteur imâmite à non seulement passer sous silence ces données, mais à adopter une position identique à celle des sunnites :
« Selon nous [les imâmites], le Coran révélé par Dieu au Prophète Muhammad est identique à celui qui se trouve entre les deux couvertures (mâ bayna al-daffatayn ; i.e. la version officielle)... Celui qui prétend que le texte révélé était plus volumineux que le texte consigné n'est qu'un menteur 44. »
Notre auteur ne rapporte pas les traditions où il est question de falsification et d'altération (tahrif-tabdil-taghyîr), et se borne à parler d'un changement (ta'lif) survenu dans l'ordre de certains versets ou sourates ou de l'élimination, par les Compagnons, des commentaires coraniques de 'Ali, commentaires
figurant dans les marges de la recension du premier imâm ; c'est le Mahdi qui dévoilera l'ordre originel des versets et sourates du Coran ainsi que les précieuses interprétations de 'Ali 45.
Moins de quelques décennies avant Ibn Bâbuye, al-Nu'mânî parlait pourtant encore de la censure et de la falsification du Coran originel par les sunnites 46. Le « tournant » semble encore une fois être l'Occultation du dernier imâm et l'isolement et la persécution qui menaçaient une minorité restée sans chef charismatique. L'intégrité du Coran était et reste un problème trop délicat et même un Ibn Bâbuye, pourtant plus « traditionaliste » que « rationaliste », ne pouvait plus continuer à mettre en doute l'intégrité et l'authenticité de la Vulgate désormais universellement reconnue.
Après la domination du courant « théologico-juridique rationnel » au sein de l'imâmisme, et à partir d'al-Mufid, les grands théologiens imâmites n'ont pas cessé de reprendre, sous une forme ou une autre, les points de vue d'Ibn Bâbuye ; tout en continuant à respecter plus ou moins des auteurs comme al-Saffâr al-Qumrnî, al-Kulaynî ou al-Nu'mânî, ces théologiens n'ont pas hésité, malgré les résistances des « traditionalistes » minoritaires, à mettre en doute l'authenticité des traditions où l'intégrité de la Vulgate est mise en doute ; il est intéressant de constater que c'est là un des rares cas où la compétence des premiers compilateurs imâmites dans le choix des traditions authentiques est mise en discussion.
Le processus continue encore de nos jours 47 et on peut dire que depuis le milieu du quatrième siècle de l'Hégire jusqu'à maintenant, la quasi-totalité des imâmites ont accepté, tout comme les sunnites, l'intégrité et l'authenticité de la Vulgate 'uthmânienne.
Notes :
1. Cf. par exemple Basâ'ir, section 1, bâb 20 ; section 2, bâb 13 ; section 6, bâb 15 ; section 8, bâb-s 6 et 7 ; al-Kulaynî, Usûl, « kitâb fadl al-'ilm », bâb al-radd ila l-kitâb wa l-sunna, I/76-80, bâb al-akhdh bi l-sunna wa shawâhid a1-kitâb 1/88-90
2.« ... Kullu hadith la yuwafiqu kitab Allâh fahuwa zukhruf », al-Kulaynî, op. cit, I/89, n°3
3.« Qad waladani rasûl Allah wa ana a'lamu kitab Allah wa fihi bad' al-khalq wa mâ huwa kâ'in ilâ yawm al-qiyâma wa fihi khabar al-sama' wa khabar al-ard wa khabar al-janna wa khabar al-nâr wa khabar mâ kân wa ma huwa kâ'in a'lamu dhalika kamâ anzuru ila kaffi... » , ibid., I/79, n° 8 ; cf. aussi Basa'ir, section 3, bâbs 5, 6 et 7, pp. 124-130.
4.« Chapitre inconnu du Coran » , publié et traduit pour la première fois par M. Garcin de Tassy, JA, XIII, Mai 1842,431-439.
5. Depuis la fin du XVIIIe siècle, à travers de nombreuses discussions scientifiques au sujet de l'identité de l'auteur du Dabestân, deux noms furent retenus : Muhsin Fânî Kashmîrî et Mobed Shâh 'AIî Ardistânî Sayyid Dhû l-fiqâr ; mais depuis une étude poussée de Rahîm Redâ Zâdeh Malek, faisant suite à son édition du texte complet de l'ouvrage, il semble maintenant acquis que l'auteur est Key Khosrow Esfandiyâr, apparemment le propre fils du célèbre prêtre zoroastrien de l'Iran, Âdhar Keyvân, philosophe et ésotériste, qui émigra en Inde aux confins des XVIe et XVIIe siècles en compagnie de ses disciples (cf. Sir J.J. Modi, " A Parsee High Priest (Dastûr Azar Kaiwân 1529-1614 A.D.) with his Zoroastrian Disciples in Patna in the 16th and 17th Century A.C. ", The Journal of the K.R. Cama Oriental Instute, XX, 1932, 1-85 ; M.Mo'in, « Âdhar Keyvân wa peyrovân-e u », Majalle-ye Dâneshkade-ye Adabiyyât-e Dâneshgâh-e Tehrân, n°3, 4e année, 1336 solaire/1958) ; le texte de la sourate des deux Lumières : Dabestân-emadhâhib, éd. R. Redâ Zâdeh Malek, Téhéran, 1362 solaire / 1983, vol. 1/246-247.
6. « Observations de Mirzâ Alexandre Kazem-Beg, professeur de langues orientales à l'université de Casan, sur le Chapitre inconnu du Coran », JA, XIV, Décembre 1843, 373 - 429
7. St Clair Tisdall, « Shi'ah Additions to the Koran », MW, III, July 1913, n°3, 227-241
8. C.f Schwally-Noldeke, Geschichte des Qorans, tome II : Die Sammlung des Qorans, Leipzig, 1919, pp. 94-102. ; R. Blachère, Introduction au Coran, Paris, 1958, 184-186.
9. C.f A. Jeffery, « The Qur'anic Readings of Zaid b. 'Ali », RSO, XVI, 1936 ; J. Hollister, The Shi'a of India, Londres, 1955, pp. 28-29 ; D. Rahbar, « Relation of Shî'a Theology to the Qur'ân », MW, LI, n°3, July 1961, pp. 92-98, LII, n°l, Jan. 1962, pp. 17-21 et LII, n°2, April 1962, pp. 124-128 ; J. Eliash, « The Shî'ite Qur'ân. A Reconsideration of Goldziher's Interpretation », Arabica, XVI, 1969 ; S. Husain M. Jafri, Origins and Early Development of Shi'a Islam, 313 sq.
10. Tradition d'al-Bâqir : " Ma min ahad min al-nâs yaqûlu annahu jama'a l-Qur'an kullahu kamâ nazzalahu'llâh. illa kadhâb wa ma jama'ahu wa hafizahu kamâ nazzalahu'llâh ta'hala illa 'Ali b. Abi Talib wa l-a'imma min ba'dihi ", Basa'ir, section 4, bâb 6, n°2, p. 193 ; al-Kulaynî, Usûl, " k. al-hujja ", bâb annahu lam yajma' al-Qur'ân kullahu illâ l-a'imma, I/332, n'°1
12. Tradition de Ja'far : " Inna l-Qur'ân alladhi jâ'a bihi Jabra'îl ila Muhammad sab'atu 'ashara alfi aya ", al-Kulaynî, op. cit., " k. fadl al-Qur'ân, n°3582, IV/446
13."...Akhrajahu [al-kitab] 'Ali ila l-nâs hina farigha minhu wa katabahu faqala lahum hadhâ kitâbu'llah 'azza wa jal kamâ anzalahu 'ala Muhammad wa qad jama'tuhu min al-lawhayn fa-qâlû hawdha 'indanâ mushaf jâmi' fihi l-Qur'an la haja lanâ fihi faqala amâ wa'llahi mâ tarawnahu ba'd yawmikum hadhâ abadan innamâ kâna 'alayya an ukhbirakum hina jama'tuhu li-taqra'ûhu ", Basâ'ir, ibid., n°3 ; al-Kulaynî, op. Cit, n° 3577, IV/443-444.
14. Début de la même tradition de Ja'far que dans la note précédente : « Fa-idha qama l-qa'im qara'a kitâb Allah 'azza wa jalla 'ala haddihi wa akhraja l-mushaf alladhi katabahu 'Ali. »
15.Ibid., bâb fi kam yuqra'u l-Qur'ân wa yukhtam, n" 3526, IV/422-423 ; sur al-Husayn b. Khâlid b. Tahmân Abu 'Ali al-Kûfi al-'Âmiri dit Ibn Abi'l-'Alâ, disciple des 5' et 6' imâms, voir par exemple al-Najâshi, Rijal, s. v. ; al-Kashshl, Rijal, 233 ; al-Ardabîlî, Jâmi' al-ruwat, I/231 et 239.
16.Ibid., bâb al-nawâdir, n° 3570, IV/440-441 ; une vision prémonitoire de 'Ali rapportée par al-Nu'mânî, comporte la même donnée : « Al-Asbagh b. Nubâta dit : « J'ai entendu 'Ali dire : « Je vois d'ici les non-Arabes (al-'ajam ; i.e les Compagnons de l'imâm caché lors de son Retour final) installés sous leurs tentes dressées dans la mosquée de Kûfa et enseignant aux gens le Coran tel qu'il fut révélé (yu'allimûn al-nâs al-Qur'an kamâ unzila) » ; j'ai demandé : « Ô Prince des croyants! [Le Coran] n'est-il pas maintenant comme il fut révélé (a wa laysa huwa kamâ unzila) ? - Non, répondit-il, on y a enlevé (muhiya minhu) les noms de 70 personnes de la tribu de Quraysh, ainsi que les noms de leurs pères et on n'a laissé le nom d'Abu Lahab que pour humilier le Prophète, car Abu Lahab était son oncle » (al-Nu'mânî, K. al-ghayba, bâb 21, n°5, p. 452)
17. Ibid., n°3558, tradition d'al-Bâqir, IV/436 : « Nazala l-Qur'ânu arba'a arbâ'in rub' fînâ wa rub' fi 'aduwwinâ wa rub' sunan wa amuhâl wa rub' fara'id wa ahkâm ». Au n°3556 (ibid., IV/435), 'Ali dit que le Coran est divisé en trois parties : un tiers consacré aux Impeccables et à leur ennemis, un tiers aux dits et paraboles et le dernier tiers aux devoirs et préceptes canoniques. Au n° suivant (ibid., IV/436) Ja'far propose une division du Coran en quatre parties : les choses illicites, les choses licites, dits et préceptes, et enfin le récit des événements du passé et de l'avenir ainsi que l'arbitrage des différends.
18. Tradition de Ja'far ; « Wa'ttaba'û ma tatlu al-shayâtin bi-walâyat al-shayâtin 'alla mulk Sulaymân » ; al-Kulayni, al-Rawda, II/114, n°440.
19. Tradition de 'Alî ; « Wa idhâ tawallâ sa'a fi l-ard li-yufsida fîhâ wa yuhlika t-harth wa l-nasl bi-zulmihi wa sû' siratihi wa'llâhu la yuhibbu l-fasâd » ; ibid., II/113, n°435.
20. Tradition de Ja'far ; « Sal bani Isra'ila kam âtaynâhum min ayatin bayyina fa-minhum man âmana wa minhum man jahada wa minhum man aqarra wa minhum man baddala wa man yubaddil ni'mata'lah min ba'di ma ja'athu fa-inna'llaha shadid al-'iqab » ; ibid., II/114, n°440.
21. Tradition de Mûsâ ; « Lahu ma fi l-samawati wa ma fi l-ard wa mâ baynahumâ wa mâ tahta l-tharâ 'âlam al-ghayb wa 'âlam al-shahâda al-rahrnân al-rahîm man dha alladhi yashfa'u 'indahu illâ bi-idhnih », ibid., II/113, n°437.
22. Tradition de Ja'far ; « Wa kuntum 'ala shafa hufratin min al-nâr fa-anqadhakum minhâ bi-Muhammad » , ibid., II/265, n°208.
23. Tradition de 'Ali ; « Ula'ika lladhina ya'lamu'llah ma fi qulûbihim fa-a'rid 'anhum fa-qad sabaqat 'alayhim kalimat al-shaqâ' wa sabaqa lahum al-'adhâb [ici manque: wa 'izhum] wa qul lahum fi anfusihim qawlan balighan », ibid., I/266, n°211.
24. Tradition de Ja'far ; « Thumma lâ yajidû fi anfusihim harajan mimmâ qadayta min amr al-wali wa yusallimû li'llâh al-tâ'a taslïman/ wa law annâ katabnâ 'alayhim ani'qtulû anfusakum wa sallamû l-imâm taslîman awi'khrujû min diyârikum lahu mâ fa'alûhu illâ qalîl minhum wa law anna ahl al-khilâf (au lieu de : annahum) fa'alû mâ yû'azûn bihi lakâna khayran lahum wa ashadda tathbîtan », ibid., I/265-266, n°210.
25. Tradition d'al-Ridâ ; « Fa anzala'llâh sakinatahu 'ala rasûlihi (au lieu de : 'alayhi) wa ayyadahu bi junûdin lam tarawhâ », ibid., II/231, n°571 ; le début du verset relate l'épisode de la Caverne où s'étaient réfugiés le Prophète et Abû Bakr; le passage que nous avons relevé est marqué, dans la Vulgate officielle, d'une certaine ambiguïté quant à l'identité de celui sur qui est descendue la Sakina divine et qui est soutenu par les Armées invisibles : est-ce le Prophète ou Abû Bakr ? Selon les imâms, le Coran originel ne comportait pas cette ambiguïté. Sur la Sakîna coranique, provenant de la shèkina en hébreu (dans la tradition juive : immanence de Dieu, Sa présence en un lieu ou Dieu Lui même; dans la tradition chrétienne : la Gloire du Seigneur, Présence divine) cf, D. Masson, Le Coran, I/Notes, Q. II/248-1.
26. Tradition de Ja'far ; « Laqad jâ'anâ (jâ'akum) rasûlun min anfusinâ (anfusikum) 'azîzun 'alayhi mâ 'anitnâ ('anitt um) harisun 'alaynâ ('alaykum) bi l-mu'minin ra'ûfun rahim », ibid; II/231, n°570
27. Tradition de Ja'far ; « Wa laqad 'ahidnâ ila Âdama min qablu kalimâtin fi Muhammad wa 'Alî wa Fâtima wa l-Hasan wa l-Husayn wa l-a'imma min dhurriyyatihim fa-nasiya » , al-Kulaynî, Usûl, " k. al-hujja ", bâb fihi nukat wa nutaf min al-tanzîl fi l-walâya, II/283, n° 23.
28. Tradition de 'Ali ; « Wa mâ arsalnâ min qablika min rasûl walâ nabi wa lâ muhaddath illâ idhâ tamanna alqa al-shaytân fi umniyyatihi » , Basa'ir, section 7, bâb 5, n°3 et 8, pp. 319 et 321. 'Ali b. Ibrâhîm al-Qummî, Tafsir, II/89
29. Tradition de Ja'far : « Wa man yuti'i 'llâh wa rasûlahu fi walâyati 'Ali wa walâyati l-a'imma min ba'dihi faqad fâza fawzan 'azîman », Usûl, ibid; II/279, n°8.
30. Tradition d'al-Ridâ ; « Shara'a lakum yâ âl Muhammad min al-dîn mâ wassa bihi Nûhan wa'lladhi awhainâ ilayka yâ Muhammad wa mâ wassaynâ bihi Ibrâhima wa Musa wa 'Isa an aqimû din al Muhammad (au lieu de : al-din) walâ tatafarraqû fihi wa kûnû 'ala jamâ'atin kabura 'ala al-mushrikîn man ashraka bi-walâyati 'Ali mû tad'ûhum ilayhi min walâyati 'Ali inna 'llâha yâ Muhammad yahdi ilayhi man yunib man yujîbuka ila walâyati 'Alî (au lieu de : yajlaba ilayhi man yashâ' wa yahdi ilayhi man yunîb », al-Kulayni, al-Rawda, II/163, n°502 ;
32. Ibn Bâbûye, Amali, « majlis » 47, n°9, p. 280.
33. Al-Kulaynî, al-Rawda, II/246-247, n°586 ; le texte est repris par al-Sharîf al-Radî dans sa compilation de Nahj al-balagha (pp. 447-448), mais il censure la dernière phrase, la plus parlante.
34. Al-Kulaynî, op. cit, I/75-79 (lettre d'al-Bâqir à Sa'd al-Khayyir qui doit être Sa'd b. Turayf al-Hanzalî ;
35.« ... Kullu umma qad rafa'a'llâhu 'anhum 'ilm al-kitâb hina nabadhûhu wa wallâhum 'aduwwahum... aqâmû hurûfahu wa harrafû hudûdahu... ghayyarû 'ura al-din... fa 'rif ashbâb al-ahbâr wa l-ruhbân alladhina sârû bi-kitmân al-kitâb wa tahrifihi... a'rif ashbâhahum min hâdhihi l-umma alladhina aqâmû hurûf al-kitâb wa harrafûhu », al-Rawda, I/76-77.
36.« ... Lâ taltamis dina man laysa min al-shi'a : .. fa'innahum al-khâ'inûn khanû' llah wa rasûlahu wa khânû amanatahuma... u'tuminû 'ala kitâbi 'llaih fa-harrafûhu wa baddalûhu... wa dullû 'ala wulât al-amr minhum fa'nsarafû 'anhum... », ibid., I/181.
37. Al-Ash'arî, Maqalal al-islâmiyyin, éd. H. Ritter, p. 47 et la note de l'éditeur.
39. Al-Isfarâ'inî Tâhir b. Md, al-Tabsîr fi-din, p. 43.
40. Voir par exemple Basa'ir, section 4, bâb 6 (contre les trois premiers califes) ; al-Kulaynî, al-Rawda.
41.« Inna l-islâm bada'a ghariban wa saya'ûdu ghariban fa-tûbâ li l-ghurabâ' », cf. par exemple al-Nu'mânî, K. al-ghayba, bâb 22, pp. 455-457
42.« Kuffa 'an hadhihi l-qirâ'a iqra' kamâ yaqra'u l-nâs ("les gens", dans la terminologie imârnite, al-nâs est un des termes qui désignent les musulmans non shî'ites, les "sunnites") hatta yaqûmu l-qâ'im fa-idhâ qâma l-qâ'im qara'a kitâb Allâh 'azza wa jalla 'alli hadihi wa akhraja l-mushaf alladhi katabahu 'Ali », al Kulayni, Usul. « k. fadl al-Qur'ân », bâb al-nawâdir, n°23 (= 3577), IV/443-444.
46. Al-Nu'mânî, al-Muhkam wa l-mutashâbih, 12 ; id., K. al-ghayba, 99. Sur ce « tournant » de la position imâmite, voir aussi E.Kohlberg, « Sorne notes ... », 212 sq.
47. Il suffit de voir comment les éditeurs-traducteurs des oeuvres d'al-Kulayni ou d'al-Nu'mânî, tous des religieux, ont du mal à cacher leur gêne devant les traditions qui nous préoccupent; d'abord par un système arbitraire de ponctuation on essaye de prouver que les passages coraniques « en trop » sont en fait des commentaires des imâms. Ensuite il y a des discussions interminables et tout aussi arbitraires en note sur la qualité des chaînes de transmission de ces traditions.