L'ouvrage Basâ'ir al-darajât de Al-Saffâr al-Qummi (m. 290/903) est la plus ancienne compilation de traditions dogmatiques duodécimaines qui nous soit parvenue. Il appartient à ce que nous pouvons appeler, la tradition originelle « ésotérique irrationnelle », tradition dominant le chiisme imâmite jusqu'à une cinquantaine d'années après l'occultation majeure et s'opposant à la tradition « théologico-juridique rationnelle » devenue majoritaire à cette date et continuant de l'être jusqu'à nos jours.
La date de la rédaction finale de l'ouvrage, effectuée sûrement entre 260 (début de l'occultation mineure) et 290 (date de la mort de l'auteur), ainsi que la nature des traditions qui le composent nous ramènent aux sources des idées et des pratiques proprement ésotériques dans le chiisme où la dimension philosophique n'est que latente mais par contre une certaine théosophie mystique et magique paraît omniprésente. D'où l'importance capitale du livre, non seulement pour l'élaboration et la mise par écrit de la doctrine imâmite, mais aussi pour la compréhension de la genèse de la secte et de son évolution.
Néanmoins aussi bien le livre que son compilateur sont restés méconnus sinon inconnus. Dans sa quasi totalité, la littérature bio-bibliographique imâmite a adopté une attitude ambiguë envers al-Saffâr et son ouvrage. D'une part on respecte celui qui est censé avoir été un disciple direct du onzième imâm et qui fut un des maîtres en hadîth du célèbre al-Kulaynî ; de l'autre ou bien on tait le fait qu'il est l'auteur des Basâ'ir ou on se refuse de lui reconnaître toute fiabilité en tant que transmetteur des traditions composant cet ouvrage.
Certains auteurs, comme Ibn Dâwûd al-Hillî dans ses Rijâl ou encore al-Ardabîlî dans son Jâmi' al-ruwât, iront jusqu'à « dédoubler» le personnage d'al-Saffâr, distinguant un respectable Muhammad b. al-Hasan b. Farrûkh et un méprisable Muhammad b. al-Hasan al Saffâr, auteur des Basâ'ir.
Alors que des compilations telles que celles d'al-Kulaynî, d'Ibn Bâbûye ou d'al-Nu'mânî, pour ne citer que ces auteurs anciens appartenant à la même tradition qu'al-Saffâr, ont été de nombreuses fois méditées, commentées, soigneusement éditées ou traduites en persan (la principale langue actuelle de l'imâmisme), l'ouvrage d'al-Saffâr semble être victime d'un ostracisme quasi absolu et il n'en existe aucune édition digne de ce nom ni aucune traduction.
La raison est sans doute, encore une fois, l'opposition rationalistes/non-rationalistes et le fait que les Basâ'ir semblent transmettre, d'une manière assez méthodique, la doctrine « non-rationnelle » des imâms dans leur pureté originelle sans aucun souci de ménager les rationalistes peut-être pour la simple raison, qu'à l'époque de sa rédaction, ceux-ci ne représentaient qu'une fraction très minoritaire.
Sur l'auteur on ne sait que peu de choses, surtout si on se fie uniquement aux notices qui lui sont consacrées dans les ouvrages bio-bibliographiques imâmites : al-shaykh Abu Ja'far Muhammad b. al-Hasan b. Farrûkh al-Saffâr al Qummî « al-a'raj » (le boiteux), mort en 290/902, était contemporain des dixième et onzième imâms, 'Alî b. Muhammad al-Naqî al-Hâdî (m. 254/868) et al-Hasan b. 'Alî al-'Askarî (m. 260/874). D'après une indication d'al-Tûsî (m. 460/1067), que plusieurs ouvrages postérieurs reprendront, notre compilateur était un disciple du père de l'imâm caché et lui avait adressé un « questionnaire » (masâ'il) qu'on intitulera al-Mumawwilla (« l'Enrichissant » ?).
Selon la liste dressée pour la première fois par al-Najâshî (m.450/1058), al-Saffâr avait compilé 37 recueils de traditions dont la plupart, comme leurs titres l'indiquent, étaient des ouvrages juridiques (Kitâb al-salât, K. al-wudû', K. al-janâ'iz, K. al-ashriba etc.). D'autres recueils auraient contenu des traditions doctrinales typiquement imâmites (K. al-malâhim, K. al-taqiyya, K. al-mu'min, etc.) et enfin le K. Basâ'ir al-darjât.
Le titre complet de l'ouvrage, du moins tel qu'il apparaît sur la plupart des manuscrits, c'est Kitab basâ'ir al-darajât fî 'ulûm âl Muhammad wa ma khassahum Allah bihi (approximativement : « le livre des perceptions des degrés des Sciences des descendants de Muhammad - i.e. les 12 imâms - et ce que Dieu leur a réservé dans ce domaine »). Il s'agit d'un volumineux recueil de 1881 hadîths duodécimains et se présente comme une sorte de « monographie » sur les divers aspects du 'ilm des imâms, ou ce que le compilateur a jugé comme tel.
Selon l'auteur, les sources du 'ilm des Imams sont quadruples :
- les sources célestes : l'imâm reçoit l'inspiration grâce aux anges et à l'entité céleste al-Rûh ; il est en outre capable d'ascension céleste pour renouveler et augmenter son 'ilm.
- les sources occultes : l'acquisition du 'ilm peut se faire par la « colonne de lumière » ('amud min nûr) dans laquelle l'imâm visualise l'objet de sa quête, par deux forces surnaturelles qui lui percent le tympan (al-naqr fi l-udhn) ou bien lui marquent le coeur (al-naqr fi l-qalb), par des procédés divinatoires (science des lettres, astrologie, lithomancie...) ou encore grâce à la communication avec les morts.
- les sources écrites : les Livres sacrés des prophètes antérieurs, la Torah, les Psaumes, l'Evangile (même les tablettes de Moïse, en émeraudes, ont été rapporté du Yémén vers Médine selon la secte) et la vraie version du Coran que seuls détiennent les imâms ainsi que les Ecrits secrets comme le Jafr, la Jâmi'a ou le Mushaf Fâtima, le Livre des généalogies, le Livre des Heurs et Malheurs, le Livre des Gens du Paradis et ceux de l'Enfer etc.
- Les sources orales : les enseignements oraux des Impeccables antérieurs en remontant leur chaîne jusqu'au Prophète.
Le mode de transmission du 'ilm d'un Imam à l'autre peut être surnaturel comme c'est le cas dans de nombreuses traditions magiques : il est dit par exemple que, juste avant sa mort, l'imâm pose une de ses mains sur sa propre poitrine et l'autre main sur celle de son successeur et lui transmet de cette manière tout son 'ilm ; il se peut aussi que le successeur pose la main sur la poitrine de son prédécesseur pour « recevoir » le 'ilm. Selon d'autres données assez récurrentes, un Impeccable transmet également son 'ilm en introduisant sa sueur ou sa salive dans les pores de la peau, la bouche ou les yeux de son successeur.
Quelques Hadiths extraits de l'ouvrage :
Qui sont les compagnons du Prophète ?
Ja'far rapporte que le Messager d'Allah a dit : « Dans le livre de Dieu, vous y trouvez ce qui vous est nécessaire de faire, il n'y a aucun prétexte pour vous de l'abandonner. Et dans ma Sunnah se trouve ce qui n'est pas dans le livre de Dieu, il n'y a aucune excuse pour vous de l'abandonner. Et ce qui n'est pas dans ma Sunnah, il y a les paroles de mes compagnons, prenez les, car l’exemple de mes compagnons est comme celui des étoiles, prenez les, vous serez guidés, et le désaccord de mes compagnons est une miséricorde pour vous. » Il lui fut demandé : « O Messager d'Allah, et qui sont tes compagnons ? » Il répondit : « Mes Ahlul Bayt ! »
Remarque : Comment les Ahlul Bayt peuvent ils être en désaccord s'ils sont infaillibles ?
Le dernier ordre du Prophète à 'Ali
Selon une série de dix traditions, juste avant de mourir, le Prophète dit à 'Alî : « Lorsque je serai mort, lave et parfume mon corps et enveloppe-moi dans mon linceul ; ensuite place-moi dans une position assise, pose ta main sur ma poitrine, questionne-moi sur tout ce tu voudras et par Dieu je répondrai à toutes tes questions. »
Commentaire : Cette cérémonie occulte post-mortem serait donc la cause de l'absence de 'Ali à Saqifa...
Ali ajoute : « J'ai fait ce qu'il m'a dit, et il me donna les informations de tout ce qui allait se produire jusqu'au Jour du Jugement ! »
Commentaire : 'Ali aurait donc reçu une encyclopédie en un temps records. Fatima, jalouse, aurait reçu sa propre version quelques jours plus tard. Si les sectes devaient avoir un point commun, ce serait ce genre de livre secret et mystérieux que possède le gourou pour manipuler ces adeptes...
Le Prophète sort sa main de sa tombe
Abu Abdullah rapporte : Lorsque 'Ali sortit pour une visite, il s'arrêta près de la tombe du Messager d'Allah. Il dit : « Ô fils de ma mère, le peuple m´a traité en faible, et peu s´en est fallu qu´ils ne me tuent. » Une main sortit de la tombe du Prophète. Il ('Ali) a reconnu qu'elle était la sienne (celle du Prophète) et il a reconnu sa voix (qui a dit) : « A propos d'Abu Bakr, il est devenu mécréant par celui qui vous a crée de terre, puis de sperme et vous a façonné en homme. »
Remarque : La parole d'Ali est une copie de la parole d'Aaron dans le Coran. De même, la parole que la secte attribue au Prophète est une copie du verset 37 de la sourate 18. Sa main qui sort de terre est pathétique et le takfir d'Abu Bakr, qui rappelons-le est enterré au coté du Prophète, est une insulte à l'Islam.
Le Prophète réapparait à Quba pour soutenir Ali (dans plus de 7 hadiths)
Abu Abdullah (Imam Sadiq) a dit : L'Emir des croyants ('Ali) vint vers Abu Bakr et lui dit : « Mais le Messager de Dieu t'a ordonné de m'obéir ! » Il répondit : « Non, mais si c'était le cas, je l'aurais fait ! » Ali dit : « Partons à la mosquée de Quba ! » Le Messager d’Allah s’y trouvait et priait. Lorsqu’il finit, Ali lui dit : « Ô Messager d’Allah, j’ai dit à Abu Bakr que tu lui as ordonné de m’obéir. » Le Prophète dit à Abu Bakr : « Je te l’ai ordonné, obéis lui ! » Abu bakr sortit avec une épouvantable panique et rencontra Omar qui lui demanda : Que ce passe-t-il ? Il répondit : « Le Messager d’Allah m’a dit telle et telle chose. » Omar dit : « Malheur à cette communauté ! Reconnait plutôt la magie du clan des Hashim »
Mu'âwiya erre sous forme d'un homme enchaîné et assoiffé (dans plus de 5 hadiths)
Abu Ja'far rapporte : J'étais derrière mon père qui était sur sa mule. Celle ci se mit à courir de peur. Il y avait un vieil homme enchainé par son cou et un homme qui le suivait. Il dit : « Ô Ali Ibn Hussein, apaise ma soif, apaise ma soif. » L'homme dit : « n'apaise pas la soif de celui qu'Allah n'a pas apaisé. » Abu Abdullah dit : « Ce vieil homme a une malédiction sur lui. »
L'Imam et le loup
Muhammad ibn Muslim rapporte : J'étais avec Abu Ja'far entre la Mecque et Médine, moi sur mon âne et lui sur sa mule. Un loup vint du haut de la montagne et rencontra Abu Ja'far qui lui caressa le museau. Le loup lui dit : « Ô fils du Messager d'Allah, ma louve est en train d'accoucher et cela devient difficile pour elle. Invoque Allah de l'aider, et ma progéniture n'aura aucun pouvoir sur tes chiites. » L'Imam dit : « Je l'ai fait et il partit. » |
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L'Imam et le lézard (dans 2 hadiths)
Il y avait un homme en présence d'Abu Ja'far qui racontait des choses et Uthman fut mentionné. Il y avait un lézard en haut du mur (de la chambre) qui prononça quelque chose en son langage. L'Imam dit : « Sais-tu ce que ce lézard a dit ? » L'homme dit : « Non. » L'Imam dit : « il a dit, par Allah, si vous n'arrêtez pas de parler de Uthman (d'une mauvaise manière) alors j'insulterai 'Ali. »
Et l'Imam Sadiq déclara que le lézard était impur et qu'il s'agissait d'une personne métamorphosé.
Les trésors cachés de l'Imam
Al-Husseyn Bin Thuweyr rapporte : J'étais avec Abu Abdullah (Imam Sadiq) qui a dit : « Les trésors de la Terre nous appartiennent ainsi que ses clés. Si je demande (à la terre) avec l'un de mes pieds : "Sors ce que tu possède en Or", cela se produirait. » Alors, il le fit avec son pied. La terre se fissura et s'ouvrit. Un lingot d'Or y est ressortit. Il le prit et dit : « regardez le avec une bonne intention et ne doutez pas. »
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Puis il dit : « Regardez à l'intérieur de la Terre. » Il y avait de nombreux lingots d'Or, l'un sur l'autre qui brillaient. L'un d'entre nous lui dit : « Que je sois sacrifié pour toi, on t'a donné tout cela alors que tes chiites sont dans le besoin ? » Il répondit : « Allah rassemblera pour nos chiites aussi bien ce monde que l'au-delà, et les fera entrer dans les Jardins et nos ennemis en Enfer. » |
Ali transforme des pierres en bijoux
Il fut dit à l'Emir des Croyants, alors qu'il était avec ses compagnons à la mosquée de Kufa : « Que mon père et ma mère soit sacrifié pour toi, je suis étonné de ce monde détenu par ces gens, et non pas par toi. » Il répondit : « Ô untel, si nous voulions le monde, il nous aurait été donné. » Alors, il prit une poignée de cailloux et ils se sont transformés en bijoux. Il dit : « Qu'est ce que c'est ? » Je dis : « Ils sont parmi les plus beaux bijoux. » |
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Il dit : « En effet, mais nous ne les désirons pas. » Alors il les jeta, et ils ont retrouvé leur état initial. |
La ruse de l'Imam pour imposer ses innovations à ses disciples (dans plus de 10 hadiths)
Zarara rapporte : J'ai entendu Abu Ja'far dire : Notre savoir n'est pas figé mais ne cesse d'augmenter. Je lui ai dit : « Sais-tu (par cet ajout de science) ce que le Messager d’Allah ne savait pas ? » Il dit : « Si c'était le cas, cette nouvelle science est d'abord présenté au Messager, puis aux Imams, les uns après les autres, jusqu'au dernier. »
L'Imam et son âne volant (dans plus de 10 hadiths)
Jabir rapporte : J'étais un jour en présence d'Abu Ja'far, il se tourna vers moi et me dit : « Ô Jabir, as tu un âne capable de voyager de l'Est à l'Ouest en une seule nuit ? » J'ai dit : « Non, que je sois sacrifié pour toi. » Il dit : « Moi, je connais un homme à Médine (lui même - la taqiya) qui possède un âne. Il le monte et traverse l'Est et l'Ouest en une nuit. »
Ali chevauche les nuages
Abu Ja'far a dit : « Il existe deux types de nuages. Dhul Qarnayn a choisi le plus facile et a laissé le plus difficile à 'Ali. »
On lui demanda : « Et qu'est ce que le nuage difficile ? »
Il répondit : « Le nuage dans lequel il y a le tonnerre et la foudre. Lorsqu'il chevaucha et traversa les sept cieux, cinq d'entre eux étaient habités et deux désertés. » |
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L'Imam humilie un astrologue
Abdul Samad bin Ali rapporte : Un homme est venu vers Zayn al-Abidin. Ce dernier lui dit : « Qui es-tu ? » Il répondit : « Je suis un astrologue. » Il dit : « Tu es donc un diseur de bonne aventure. » L'Imam le regarda et lui dit : « Dois-je te montrer un homme qui a traversé, depuis que tu es ici, quatorze planètes, chacune aussi grosse que ce monde, trois fois, sans s'être déplacé de sa place ? » Il dit : « Qui c'est ? » |
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Il dit : « Moi, et si tu veux, je peux t'informer ce que tu as mangé et ce que tu caches dans ta maison. » |
L'Imam rencontre les extraterrestres
Aban Bin Taghlub rapporte : J'étais en présence d'Abu Abdullah (Imam Sadiq) lorsqu'un homme parmi les habitants du Yémen vint à lui. L'Imam lui dit :
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« Ô frère Yéménite, y a-t-il un savant parmi vous ? »
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Il dit : « Oui. »
- « Qu'est ce que vous savez de son savoir ? »
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« C'est un homme capable de voyager en une nuit la distance de deux mois de vol d'oiseau. »
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Abu Abdullah dit : « Le savant de Médine est plus savant que le vôtre. Il voyage en une heure de la journée, la distance du parcours d'une année du soleil. Ce dernier traverse alors douze mille planètes tels que ce monde et leurs habitants ne sont pas informés qu'Allah a crée Adam ou Iblis. »
L'homme demanda à l'Imam : « T'ont ils reconnu ? »
Il répondit : « Oui, ils n'ont aucune obligation si ce n'est la Wilaya et la Tabara (nous aimer et détester nos ennemis) »
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